Trois préoccupations gouvernent la politique de l’énergie:
– la sécurité des approvisionnements;
– la contribution à la croissance;
– la protection de l’environnement.
Le contexte
– Dans le traité de Lisbonne (1er décembre 2009), l’énergie est une compétence d’attribution. Toutefois, cette compétence n’affecte pas le droit d’un Etat-membre de déterminer sa politique énergétique (exploitation de ses ressources, choix de ses sources d’énergie et de son approvisionnement).
– Le recours au pétrole sera nécessaire pendant longtemps dans la mesure où les transports dépendent à 95% de cette énergie.
– Les autres énergies sont en concurrence: charbon, gaz (de plus en plus sous la forme de GNL), nucléaire, énergies renouvelables.
– Le centre de gravité économique du monde s’est déplacé vers le sud-est asiatique et notamment en Chine (où le secteur automobile connaît une explosion).
– Le rythme de la croissance des pays membres de l’OCDE restera modéré.
– 1,4 milliard d’individus n’ont pas accès à l’électricité.
Les trois enjeux
1) La sécurité d’approvisionnement
– Les tenants d’une « Peak oil » (épuisement rapide des ressources) se trompent. Grâce au progrès technique, des réserves de gaz et de pétrole ont été repérées. Néanmoins, les investissements nécessaires pour les exploiter seront coûteux. L’irruption du gaz de schiste est récente. Cette énergie est devenue un acteur majeur. Quant aux réserves de charbon, elles sont considérables.
– L’indépendance énergétique est un faux problème. Il est souvent préférable d’importer plutôt que de produire sur place ce qui peut avoir des incidences fâcheuses (raffineries des Etats du sud des EU affectées par des grèves de longue durée; Fukushima etc.). Cependant, une production locale réduit le montant de la facture énergétique.
– Le recours à « un mix » énergétique est la meilleure solution.
Dans l’UE, la situation des Etats-membres est contrastée. Les pays de l’Europe de l’est sont très dépendants du gaz russe.
Pour la Pologne, le recours au charbon est incontournable.
L’Allemagne est viscéralement hostile à l’énergie nucléaire (la fin du nucléaire sera effective en 2022) et a interdit la capture et la séquestration du CO2.
La France restera dépendante de son énergie nucléaire bien au-delà de 2025 avant d’atteindre le taux annoncé de 50% (atteindre ce taux impliquerait de fermer 20 centrales nucléaires et la construction de lignes à haute tension ce qui demandera du temps et des arbitrages politiques).
Enfin, les réseaux des Etats-membres sont mal connectés.
2) La contribution à la croissance
– Le recours à l’efficacité énergétique est une solution peu coûteuse et aisée à mettre en œuvre. La France a un parc immobilier à la fois important et âgé ce qui est moins le cas de l’Allemagne mais les allemands apprécient les grosses voitures rapides et gourmandes…;
– Le nucléaire du futur est très cher;
– Le prix du pétrole, conjoncturellement bas, s’élèvera à terme;
– Le gaz, particulièrement sous la forme de GNL, est une énergie qui a de l’avenir; plus cher que le charbon, il est deux fois moins polluant que celui-ci;
– Les énergies renouvelables sont des énergies intermittentes. Elles méritent d’être développées dans la mesure où elles sont compétitives. Si le coût de l’éolien offshore est exorbitant, l’éolien terrestre et le photovoltaïque sont compétitifs.
La mise en concurrence de ces différentes énergies est un facteur de compétitivité.
– L’approche européenne a, par souci d’exemplarité, pêché sur trois plans:
Elle a voulu créer un marché du carbone en instaurant des quotas d’émission. Mais, elle a omis de mettre en place une autorité de marché ce qui a eu pour conséquence de provoquer un effondrement du prix du carbone et donc du marché (le prix de la tonne de CO2 est actuellement de 5 euros).
En fixant à 20% dans le cadre du paquet énergie-climat de 2008 (les 3 fois 20) la part des énergies renouvelables dans le « mix » énergétique, elle a donné aux industriels un marché protégé facteur de prix élevé.
La libéralisation du marché de l’énergie a eu des résultats modestes: EDF détient 80% du marché de l’énergie en France.
Le paradoxe de cette politique est que les prix de détail progressent fortement (la France a instauré la CSPE -contribution au service public de l’énergie- subventionnant les énergies renouvelables), tandis que les prix de gros baissent.
Parole d’un diplomate: « la politique énergétique de l’UE, c’est la politique de l’oxymore ».
3) La protection de l’environnement
Le réchauffement climatique est « un problème sérieux ». Si la calotte glaciaire du Groenland fondait, le niveau des mers augmenterait de 10 m provoquant un transfert massif des populations vers l’intérieur des terres.
Dans le cadre du COP 21, la France organisera et présidera en décembre prochain une conférence réunissant tous les chefs d’Etat et de gouvernement.
L’objectif de cette conférence serait d’arriver à limiter l’évolution des températures en deçà de 2 degrés Celsius en 2100, cette limite étant, compte tenu de la situation existante, celle préconisée par le GIEC.
Cet objectif pourrait être atteint en ayants recours à plusieurs énergies et avec l’arrivée de nouvelles technologies comme la capture et la séquestration du CO2.
Politiquement, la conclusion d’un accord ambitieux est possible; il sera, en revanche, beaucoup plus difficile de le rendre contraignant, le Congrès américain étant hostile à tout engagement de cette nature et la Chine, alors qu’elle fait des efforts considérables pour lutter contre la pollution qui sévit dans ce pays, répugnant à se lier les mains.
Christian Casper