Atelier/débat : recompositions, dissolutions, incertitudes, retour sur deux élections qui bouleversent l’avenir de l’Europe

L’atelier du jeudi 11 juillet dernier à la maison de l’Industrie rassemblait 25 participants qui se sont tous exprimés, à l’exception de 2 d’entre eux. L‘objectif était avant tout de se connaître entre adhérents et sympathisants (au nombre de 4) et de s’écouter mutuellement sur les résultats des élections qui venaient d’avoir lieu pour le Parlement Européen (PE) et pour l’Assemblée Nationale française (AN).

Je suis intervenu successivement sur les élections européennes puis les élections françaises pour lancer les deux débats. Michael Milano, Responsable de la Commission Politique des JE-Paris, a rappelé les règles de l’échange oral et les a fait respecter pendant les deux heures de la réunion.

Marceau Perret, Secrétaire général adjoint des JE-Paris, a fidèlement pris note des interventions individuelles dont la synthèse qui suit ne saurait remplacer la participation physique. En effet, cet atelier nous laisse un très bon souvenir et devra être renouvelé sur d’autres thèmes européens.

Les élections européennes ont suscité une nette inquiétude parmi les pro-européens car le Rassemblement National (RN) est devenu la première délégation au PE. Les députés d’extrême-droite, par définition eurosceptiques, constituent désormais 26% du total des députés européens. Il ne devrait pas y avoir de risque de blocage du PE mais l’extrême-droite détient maintenant un réel pouvoir de nuisance. De plus, l’extrême-droite est nationaliste par nature et donc introduit des divisions entre pays membres : ainsi,  le RN et La France Insoumise (LFI) inquiètent l’Allemagne, car ces partis sont perçus comme anti-Allemands.

La montée de l’extrême-droite s’observe ailleurs qu’en France et qu’en Europe: selon un Rapport de 2020 cité par un adhérent, un tiers de la population mondiale souhaiterait un état martial en raison de l’insécurité, du terrorisme, de la montée de l’inflation et de la xénophobie.

Pour la France, le résultat des élections européennes est un choc : l’anti-européanisme en France a rassemblé presque12 millions de votes si l’on ajoute les votes de l’extrême-droite (9,1 millions) et à ceux de LFI (2,5 millions), sur seulement 25 millions de votants.

Selon un adhérent, cette montée de l’extrême droite et des extrêmes en général provient d’une souffrance, d’une peur de l’avenir, que nous devons percevoir et gérer, elle provient du sentiment d’un déclassement, principalement économique. Les extrêmes exploitent ce sentiment : il faut que nos gouvernements répondent sans attendre à cette inquiétude pour que les extrêmes n’en profitent pas. 

L’importance du résultat de l’extrême-droite s’explique aussi par la faible participation aux élections européennes, notamment en France. Par ailleurs, le mode d’élection actuel par liste nationale favoriserait les nationalistes.

Toutefois, des évolutions favorables à l’unification européenne sont observées à travers les dernières élections:

– les chefs de file des listes des candidats s’affirment davantage, donnant vie à leur programme et à leur équipe, ce qui structure mieux l’offre politique ;

– une réelle volonté de dialoguer existe au PE pour éviter le blocage ;

– des résultats défavorables à l’extrême-droite ont conforté des scrutins nationaux récents encourageants, comme en Pologne, pour ceux qui luttent contre les régimes autoritaires ;

– par ailleurs, l’extrême-droite est actuellement entravée par son émiettement entre trois groupes distincts au PE et l’absence de projet commun, ce qui limite sa capacité à influencer la politique européenne. Même à l’intérieur d’un groupe comme Patriotes pour l’Europe, on a du mal à comprendre les points communs entre le Fidesz de Victor Orban et le RN qui cherche pourtant à se dé-diaboliser.

– de façon générale, la présence médiatique est beaucoup plus forte maintenant au niveau européen, ce qui est un point positif.

Les partis eurosceptiques ou souverainistes, malgré leur critique de l’UE, souhaitent finalement y rester, souvent par intérêt financier, comme le Fidesz. LFI a modifié sa position anti-UE et anti-Euro par rapport au passé, d’autant qu’elle s’est associée dans le Nouveau Front Populaire au PS et à EELV qui restent des moteurs pro-européens.

Le RN adopte une nouvelle stratégie en formant des alliances avec d’autres formations dans le but de changer l’UE en tissant des liens. La question de la crédibilité de cette stratégie reste posée, car il semble y avoir une surestimation de leur impact potentiel. À moins que l’Europe ne se tourne fondamentalement vers les extrêmes, il est peu probable et même illusoire que des changements significatifs se produisent, comme de défaire les traités existants : le souverainisme n’a pas de sens dans ce contexte.

Face à cette montée de l’extrême-droite et à l’apparition de tensions nationalistes que l’on pensait dépassées, la nécessité d’un pouvoir étatique européen, c’est-à-dire fédéral, apparaît à certains, pouvoir qui appliquerait des politiques cohérentes, dont une ré-industrialisation.

 Les élections législatives de juin-juillet 2024, deuxième sujet à l’ordre du jour,ont introduiten Francele risque de l’instabilité politique, marquée par un attachement rigide des partis aux programmes proposés aux électeurs et un refus, pour l’instant, des coalitions post électorales. La culture politique française ne semble pas favorable au compromis.

Face à ce risque d’instabilité en France, l’UE apparaît comme un îlot de stabilité, les autres régimes parlementaires européens formant des coalitions, certes avec difficultés et en prenant du temps, mais elles tiennent. Déjà notre appartenance à l’UE a joué un rôle crucial au lendemain des élections législatives en limitant les dégâts économiques en France car sans l’euro une crise financière aurait probablement eu lieu. Il est difficile cependant que l’UE joue un rôle pour contribuer à une solution politique en France, même une ingérence constructive, du moins financière, comme le souhaite l’un d’entre nous : cela aurait un effet très négatif de nature à renforcer les extrêmes.

Des adhérents font observer qu’il y a déjà eu des coalitions en France sous Valéry Giscard d’Estaing et sous François Mitterrand (gouvernement Jospin) mais les partis impliqués partageaient généralement une vision politique proche. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est qu’il faudrait former une coalition avec des partis aux tendances très différentes. Pourtant, l’exemple de l’Allemagne montre queles coalitions entre la CDU et le SPD sont possibles (Grande Coalition).

Une coalition en France entre le centre-droit et le centre-gauche est évoquée comme envisageable. Dit un peu différemment : « il serait nécessaire de former un bloc central, réunissant des partis de gauche et de droite, pour contrer les extrêmes ».

A titre d’information, une adhérente donne l’exemple du gouvernement de coalition aux Pays Bas constitué 8 mois après les élections.
Le PVV (le Parti pour la liberté à l’extrême droite dirigé par Geert Wilders) arrivé en tête aux élections de novembre 2023 a obtenu 6 postes de ministres sur 16, y compris celui de l’Économie et celui du Commerce Extérieur. Les 3 autres partis de la coalition (droite et centre-droit) se partagent le reste, le Premier ministre n’ayant pas d’étiquette politique. Il est bien sûr difficile de prédire l’évolution de la situation en raison des tensions existantes entre ces partis. Le PVV est anti-européen et raciste.

Notre situation politique actuelle faite de conflits doit aussi apparaître comme l’occasion de nouveaux dialogues, un conflit peut être constructif. Ainsi, les demandes sociales, habituellement du domaine de la gauche et les demandes de sécurité émanant de l’extrême-droite ne sont pas contradictoires et doivent être considérées simultanément. Ce qui est intolérable, c’est la montée décomplexée des discours racistes dans les partis d’extrême-droite comme d’extrême-gauche.

Des similitudes entre les clientèles et les programmes de l’extrême droite et de l’extrême gauche sont relevées. Des différences importantes aussi d’où des discours opposés entre certains participants à la réunion qui ont fait penser que le Mouvement Européen a raison de rester apolitique pour se concentrer sur le projet européen.

Le débat s’est terminé par le verre de l’amitié dont les Jeunes-Européens s’étaient occupés.

                                                           Michel Ortiz

                                                           chargé de l’animation des adhérents du ME-Paris

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