Les nouvelles relations UE/R.U. : un chantier de construction

Cela fait presque 10 ans que la Grande-Bretagne a décidé de quitter l’Union Européenne par un référendum dont on connaît maintenant tous les dessous peu honorables pour la plupart. Aujourd’hui, les données des sondages montrent que les électeurs britanniques réalisent qu’ils ont effectivement été bien mal conseillés et que la croissance économique promise n’est pas plus au rendez-vous au Royaume Uni qu’en Europe. Michel Rocard et Lord David Owen nous avaient pourtant brillamment démontré à la Maison de l’Industrie en 2016 que ce serait plutôt une bonne chose pour l’Union Européenne restante et son ancienne composante d’Outre-Manche. Force est de constater que ce n’est pas vraiment le cas. Lord Owen m’a écrit la semaine dernière. Vous aurez l’occasion de l’entendre de nouveau à Paris en mai. Tandis que le Stay out est largement distancé par le Rejoin, les vues de Lord Owen sont symptomatiques du malaise britannique actuel quant à un retour éventuel dans l’UE. Le rétablissement du dispositif Erasmus+, qui n’existe plus avec le Royaume Uni, pourrait même servir de monnaie d‘échange pour les européens tant la jeunesse britannique s’estime totalement flouée.

Quant aux opinions à l’ouest de l’UE, elles sont également plutôt pour une ré-adhésion, surtout en Allemagne et en Suède. Moins en France.

Ceci explique qu’un groupe parlementaire multipartite sur l’Europe a été créé en octobre 2024 afin de promouvoir des liens plus étroits entre le Royaume Uni et l’UE. Son secrétariat est assuré par le Mouvement européen du Royaume-Uni. Son co-président est le député européen français Sandro Gozi, membre du Mouvement européen Paris, dont la carrière politique a commencé en Italie en même temps que celle de Giorgia Meloni, mais qui n’a jamais été attiré par son camp ni par ses idées.  

« Un premier pas vers un retour dans le marché unique et l’union douanière serait que le RU rejoigne la Convention paneuro-méditerranéenne comprenant 25 états, tous hors de l’UE (la PEM) », a déclaré récemment le Commissaire au Commerce et à la sécurité économique, le slovaque Maros Sefcovic en gage d’encouragement. Par ailleurs la ligne rouge du credo dans « le libre échange » sans règles, est devenue rose pâle avec Keir Starmer et son « Blue labour ». La reprise en main de l’économie est en route et le renforcement du budget de la défense pourrait bien la faciliter.  On est loin encore de la participation à une défense collective de l’Europe, mais on progresse vers elle.  « It’s a long, long, way to Tipperary », pas vrai, Sandro ?

Dans la droite ligne du Traité de Lancaster House dont on fêtera les 15 ans cette année et dont nous parlera le Général Jean-Paul Perruche, membre du Mouvement Européen lui aussi, ancien directeur de l’état-major de l’UE, la France et le RU travaillent activement sur la MFU, la Force Multinationale sur l’Ukraine pour fournir des garanties de sécurité à l’Ukraine. 30 pays pourraient la rejoindre sous la forme d’un soutien logistique ou de surveillance en plus de 10 à 20000 hommes et femmes sur le terrain (l’Ukraine parle de 1000000). Les forces spéciales britanniques sont déjà en état d’alerte. Une brigade française (7 à 8000 hommes et femmes) pourrait les rejoindre. Pourrait-on envisager des missions de type « No-fly zone » ?  Le R.U., client des Etats-Unis comme l’Allemagne, l’Italie et la Pologne, arrivera-t-il à convaincre le Pentagone de maintenir quand même pour un temps son « filet de sécurité », dans les airs en particulier ? Des fonds européens sur les 150 milliards d’euros de prêts annoncés par la Commission pourraient-ils finalement être attribués, sous le patronage de la France, à des entreprises britanniques dans le cadre de coopérations actuelles et futures ? Paradoxalement, sur ce dossier, dans les deux pays, les européistes réalistes et certains souverainistes de type « my country first » pourraient s’accorder pour que la réponse soit oui à toutes ces questions avant que l’Allemagne encore liée par le Traité de non-prolifération qui la tient à l’écart, vienne frapper à la porte du consortium, entrainant avec elle la Pologne, la Suède et plusieurs autres pays… et même l’Italie atlantiste.

Une bien belle fête des achats groupés à grande échelle, prélude indispensable pour passer à une défense collective, des échanges énergétiques, des développements communs de techno, des sanctions communes aussi, en perspective ! Mais qui n’est pas sans écueil pour ne pas créer un effet centrifuge sur l’Union. Un beau pied-de-nez, en tous cas, par rapport à de ce que souhaitait Trump, persuadé qu’on ne pourrait jamais se passer de ses entreprises, de ses technologies, de ses énergies carbonées et surtout de la permission de l’Amérique, subitement subjuguée par la Russie de Poutine sur un fond de backlash écologique phénoménal.

Nous n’avons pas fini de parler de ce sujet passionnant qui va tenir l’Europe en haleine pendant de nombreuses semaines. Et l’Ukraine, donc !

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