La table ronde franco-allemande du Mouvement Européen Paris a convié Stephan Steinlein, Dominique Moisi, Joachim Bitterlich, Christian de Boissieu et Jeanette Suβ à répondre aux questions de Pascale Joanin.
La médiatrice a débuté l’échange en abordant l’importance de la bonne relation franco-allemande pour la santé européenne. L’Allemagne et la France nourrissent aujourd’hui des projets de coordination malheureusement trop peu connus. Les deux pays ont la volonté de mettre en place des projets bilatéraux dans l’espoir de relancer par la suite une dynamique au niveau européen. En ce sens, les deux pays jouent un rôle fondateur pour l’Union européenne actuelle.
L’Ambassadeur d’Allemagne décrit cependant une relation marquée par des désaccords sur des sujets stratégiques tel que le marché énergétique. Parallèlement, les deux pays mettent en place des compromis pour renforcer leur relation et faire front sur des sujets d’avenir. La politique migratoire et du droit d’asile est un bon exemple de cette coopération : malgré des différends les deux pays parviennent à s’aligner et à soutenir une position commune.
Par la suite, le lien entre l’économie et la géopolitique a été abordé. L’Europe est aujourd’hui marginalisée dans les conflits mondiaux, ce qui se ressent économiquement (croissance moins rapide et nécessité d’une relance écologique). L’Union européenne a cependant su agir face au drame ukrainien en remettant l’autonomie stratégique européenne et l’élargissement dans l’agenda politique. Cette position peut être remise en question face à un approfondissement européen encore incomplet.
La guerre en Ukraine a également permis de révéler les faiblesses de la politique énergétique européenne et les enjeux de financement de cette dernière. Ces enjeux ont notamment ravivé les débats sur un nouvel endettement commun. Cependant, l’Allemagne s’y oppose puisque sa constitution nationale limite l’endettement du pays.
Les difficultés économiques actuelles sont difficiles à résoudre sans aborder les problèmes de gouvernance et de financement. Les textes européens sont de plus en plus complexes ce qui pose un réel problème de pédagogie envers les citoyens.
Les intervenants ont également débattu de l’utilité de nouvelles réformes pour rendre les institutions plus gouvernables et transparentes vis-à-vis des citoyens. La diminution du nombre de portefeuilles avec la mise en place de duo de commissaires à la Commission ainsi que la remise en question du vote à l’unanimité au Conseil sur la politique sociale et la fiscalité ont été abordées comme des leviers de réformes. L’enjeu de ces modifications est notamment d’inventer de nouvelles solutions pour surmonter les oppositions isolées qui empêchent la poursuite de l’approfondissement et de l’élargissement.
L’évocation des élections de juin 2024 a été l’occasion de revenir sur la visibilité des enjeux européens et la nécessité de lutter contre la montée en puissance des extrêmes. La France et l’Allemagne doivent se rallier pour préserver la démocratie européenne, malgré des divergences court-termistes.
Cet échange s’est poursuivi par un moment enrichissant de questions avec le public.