D’après la presse européenne
Après un an de travaux, la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, à laquelle ont participé huit cent trente citoyens européens, a clos ses travaux le 9 mai, jour de la fête de l’Europe. Son rapport final a été remis à Strasbourg lors d’une cérémonie organisée par les trois principales institutions de l’UE : la Commission, le Parlement européen et le Conseil, en présence de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen et du président en exercice du Conseil de l’UE, Emmanuel Macron.
Elle a eu le mérite de sortir du huis clos des très discrètes négociations diplomatiques conduites par les représentants des Etats membres quand il s’agit de réviser les traités.
Certaines des quarante neuf propositions de cette Convention sont hardies : droit d’initiative législative conféré au Parlement européen qui viendrait concurrencer le droit exclusif d’initiative dont dispose la Commission, établissement de listes transnationales pour les élections européennes etc. Mais la plus hardie d’entre elles, et la plus novatrice, propose la généralisation du vote à la majorité qualifiée. Cette généralisation concernerait notamment les questions de politique étrangère et de sécurité commune (PESC), de fiscalité, de politique sociale et budgétaire.
Dans son intervention, Ursula von der Leyen a évoqué sa volonté de faire modifier en profondeur les traités européens avec en ligne de mire la question de l’abandon du vote à l’unanimité. « J’ai toujours dit que le vote à l’unanimité dans certains domaines clés n’avait tout simplement plus de sens si nous voulons être capables d’avancer plus vite » a-t-elle déclaré.
Avant même la remise de ce rapport, le Parlement européen, très favorable à une profonde révision des traités, qui pourrait augmenter ses prérogatives, a voté une résolution autorisant Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, à activer l’article 48 du Traité sur l’Union européenne (TUE), ouvrant la voie à une révision des traités.
Si l’Allemagne, la France et l’Italie sont particulièrement désireuses d’amener l’UE sur la voie de la réforme, en revanche, treize Etats membres ont immédiatement réagi dans des termes peu diplomatiques en publiant un communiqué où ils ont écrit : « Nous ne sommes pas en faveur de tentatives inconsidérées et prématurées visant à lancer une telle procédure ». On notera qu’à l’exception de la Pologne, qui a de bonnes (ou de mauvaises) raisons pour s’opposer à la suppression du vote à l’unanimité, les autres pays signataires sont moyennement ou faiblement peuplés.
Et la suite ?
Le 9 mai, le président français s’est dit favorable à la « convocation d’une Convention de révision des traités » et il est possible que l’article 48 soit activé lors du Conseil européen des 24 et 25 juin.
L’enjeu d’une révision des traités qui généraliserait le vote à la majorité qualifiée est politiquement crucial pour l’avenir de l’UE.
Le droit de veto préserve, en effet, la souveraineté de chaque Etat membre. Sa suppression porterait atteinte à cette souveraineté. Pour ne citer qu’un seul exemple, la Bulgarie ne pourrait plus s’opposer au lancement des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’UE qui dépend d’une décision unanime du Conseil Européen.
Pour les Etats membres les plus peuplés de l’UE, comme l’Allemagne et la France, l’abandon du droit de veto n’aurait pas une grande incidence puisque ces deux Etats comptent à eux seuls 150 millions d’habitants et représentent près de 35 % de la population de l’UE. Ils disposeraient d’une minorité de blocage si deux autres Etats membres, moyennement peuplés, se joignaient à eux. En tout état de cause, le traité impose qu’un minimum de quatre Etats soit réuni pour constituer une minorité de blocage.
Quatre pays des Balkans occidentaux ont le statut de candidat, deux autres ont commencé leurs négociations d’adhésion et l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie viennent de déposer leur candidature. L’UE pourrait compter un jour trente-six états membres dotés d’un droit de véto.
La généralisation du vote à la majorité qualifiée faciliterait non seulement la prise de décision mais signifierait surtout que l’UE pourrait s’engager dans la voie d’une souveraineté européenne (l’autorité suprême ou, en droit allemand, « la compétence de la compétence ») qui a été esquivée jusqu’à présent.